mardi 28 mars 2023
La CGT est forte de ses militants et militantes qui, tous les jours, tiennent tête aux chefs, aux cadres, aux flics, aux patrons… et qui mettent la même énergie à défendre leurs positions au sein de leur propres structures syndicales. C’est ainsi qu’à l’inverse de l’image caricaturale souvent présente dans les médias ils et elles ne sont pas des petits soldats au garde à vous devant des consignes « du patron de la CGT » selon le terme journalistique. C’est ainsi qu’un congrès de la CGT n’est jamais un long fleuve tranquille !
L’ouverture du 53° Congrès a confirmé largement cette appréciation. Sous les yeux des journalistes ébahis (qui ne comprenaient rien à l’épisode mais se régalaient d’images chocs) la fédération du Commerce, avec l’aide d’Olivier Mateu, a voulu faire rentrer de force ses camarades parisiens qui, non mandatés, portaient des badges usurpés. Après quelques minutes de tensions avec le service d’ordre, la plupart finirent par accéder à la salle du congrès.
Les problèmes internes au commerce parisien sont anciens et la fédération du Commerce est connue pour avoir fait gazer à l’entrée de son congrès fédéral des syndicats qu’elle ne reconnaissait pas... Il faudra attendre quelques heures et le compte-rendu de la commission des mandats pour que les congressistes (et les journalistes) entendent les explications sur la situation.
En guerre contre l’Union syndicale du Commerce parisien qui regroupe la grande majorité des forces CGT dans le commerce de la capitale, la direction fédérale s’appuie ici sur quelques syndicats « fidèles ». Une situation bloquée depuis plus de quinze ans… qui n’a pas permis la double validation des délégués UD 75/Fédé. Une situation que le syndicat du Livre parisien a connu également contre sa fédé, la Filpac. Le principe, complexe et souvent obscur de double validation a fonctionné pour 96% des délégués d’après le rapport de la commission. Les situations de blocages ont été réglées par des AG des syndicats concernés. En l’occurrence pour le Commerce parisien qui pouvait prétendre à 8 délégués, l’AG organisée par l’UD de Paris regroupait les représentants de 71% des syndiqués (y compris des syndicats fidèles à la direction fédérale). L’AG alternative organisée par la fédé commerce n’ayant regroupé que 20% des syndiqués, c’est logiquement le résultat des votes de l’AG majoritaire qui a été retenu. Ce qui n’a pas empêché la fédé d’attaquer l’UD 75 au tribunal et d’être déboutée… Comme de perdre ses attaques personnelles dirigées contre l’animateur de l’US du Commerce Parisien (et pilier du bureau de l’UD 75). Force est de constater qu’après les explications de la commission des mandats devant le congrès, la fédé s’est inclinée sans piper mot. Devant les médias, le mal était fait !
Après ce long détour, retour à l’ouverture du congrès qui fut le théâtre d’un envahissement très programmé de la tribune par plusieurs fédérations. Si le vote de validation du bureau du congrès avec intégration de nombreux délégués volontaires se passe normalement, l’annonce du vote pour la commission de contrôle des mandats et des votes, commission fermée aux délégués volontaires, provoque une bronca. Malgré un vote à main levé à 50/50 le bureau de congrès met le feu aux poudres en annonçant tranquillement la validation de la commission et enchaîne avec le vote du règlement intérieur du congrès, lui aussi contesté avec un vote à 50/50 que le bureau valide sans plus de précaution !
La chimie, le commerce, suivis par quelques militants d’autres fédération envahissent alors la tribune jusqu’à obtenir deux nouveaux votes avec un décompte précis des résultats. Après débats vibrants et vote refait, la commission des mandats est validée par 416 voix contre 408.
Et le règlement n’est adopté (très majoritairement) qu’après le retrait de la phrase contestée sur les modalités de vote de la future Commission exécutive confédérale qui faisait référence aux « critères définit par le CCN ». Si ce vote n’annule pas les critères eux-mêmes, en particulier l’exigence de candidature paritaire homme/femme, les opposants tiennent là une petite victoire politique qui agitera la séance de vendredi…
Pour finir l’installation du congrès, la commission du document d’orientation est élue largement en intégrant une douzaine de délégué.es volontaires, plutôt issu.es des fédérations qui contestent les positions symbolisées par la candidature de Marie Buisson.
Dans ce climat électrique, il faut noter que Marie Buisson a pu faire son discours d’ouverture dans un silence parfait et une écoute attentive là où sifflets et quolibets n’auraient pas surpris. Evitant un discours fleuve, son propos sans annonce surprise mais reprenant les positions confédérales connues, marquait tout de même clairement la volonté de poursuivre et approfondir les évolutions récentes. Usant par deux fois du terme de « sororité », elle a confirmé clairement la volonté de lutter contre les violences sexistes et sexuelles passées et à venir. Elle a également développé la nécessité de lutter en même temps pour l’urgence sociale et l’urgence climatique en insistant sur la nécessité d’anticiper les mutations technologiques, en particulier dans l’industrie, afin de ne pas laisser les capitalistes jouer leurs cartes tranquillement.
Revenant sur les luttes en cours (indexation des salaires et pensions, 15/32/60…) elle a même réussi à faire chanter (un peu) le congrès debout pour le retrait total de la loi « retraites », à l’exclusion de la délégation de la chimie, restée ostensiblement assise et bras croisés… Dans la foulée, le congrès à l’unanimité vote la suspension des travaux mardi matin pour rejoindre la manifestation dans Clermont-Ferrand. Comme si les 70% de primo-délégué.es préféraient clairement la lutte aux débats internes…
Et pour finir cette première journée, signalons que lors de la présentation des invités politiques présents au congrès, Roussel a été ovationné, Poutou applaudi chaleureusement et le PS subit quelques inévitables sifflets.