Communistes libertaires de la CGT

Affaire Amar : de quoi les appels à la présomption d’innocence sont-ils le nom ?

jeudi 3 mars 2022

Affaire Amar : de quoi les appels à la présomption d’innocence sont-ils le nom ?

La suspension de Benjamin Amar de la Commission exécutive confédérale, faisant suite à une plainte déposée contre lui pour viol, agression sexuelle, torture et actes de barbarie, suscite de nombreuses réactions. Il nous semble important de revenir sur quatre types d’incompréhensions voire de défense de l’agresseur présumé, et d’y répondre. En effet, ils dessinent une vision de la gestion des accusations d’agression qui peut mener à de graves dérives.

1) L’idée d’une « cabale politique » contre le mis en cause, qui serait la raison de l’accusation, est malheureusement assez classique dans ce genre d’affaire. C’est balayer beaucoup trop vite le fait qu’il existe une camarade, victime, qu’il est de notre rôle de protéger. Est-ce que certains dans la CGT se frottent les mains de ces accusations contre un opposant à la direction confédérale ? Peut-être. Est-ce que certains tenteront d’instrumentaliser l’affaire ? Peut-être. Mais ce n’est pas le plus important. Ce qu’il faut, c’est se tenir aux côtés de la victime, quelque soit sa sensibilité dans les débats de la CGT, quelque soit la sensibilité de l’agresseur présumé dans les débats de la CGT. L’argument de la « cabale » est trop souvent utilisé pour déplacer les faits et rechercher l’impunité. La première stratégie d’un agresseur est en général d’inverser la culpabilité.

2) Les affirmations de « confiance » envers l’agresseur présumé se sont également multipliées. Bien entendu, quand on a un ami, un camarade, on veut lui faire confiance. Mais rappelons-nous que la grande majorité des viols et des agressions sexuelles sont commis par un homme que la victime connaissait. C’est rarement un inconnu, c’est plutôt un ami, un conjoint, un collègue, un camarade… Rien à voir avec la représentation de monstre incapable de se maîtriser qui en est fait. Ce n’est pas parce qu’un homme a toujours été sympa et intègre envers nous qu’il l’a été envers toutes les femmes et dans toutes les situations ! Ce n’est pas non plus parce qu’un militant clame haut et fort des valeurs de justice sociale et même de féminisme qu’il n’agresse pas ! Comment peut-on soutenir les victimes dans certains cas, et dans d’autres cas, quand l’agresseur présumé est notre ami ou notre camarade, les oublier ?

3) Parmi les réactions suscitées, l’appel à « respecter la présomption d’innocence » revient beaucoup. Il faut replacer les choses dans le contexte. Il est difficile pour les femmes de dénoncer les violences qu’elles subissent, particulièrement quand l’agresseur est un homme en situation de pouvoir, comme un dirigeant syndical. Les conséquences de la dénonciation sont importantes pour les victimes : elles sont régulièrement traitées de menteuses, de folles, leur vie privée est scrutée à la recherche du moindre comportement qui serait jugé « anormal ». Mais dénoncer des violences, c’est aussi pour beaucoup de victimes une source de honte, car il s’agit d’événements à la fois intimes et traumatiques. Les femmes n’ont pas d’intérêt à mentir sur ces questions, au contraire souvent elles minimisent ce qui leur est arrivé ou bien elles le cachent. Une position féministe, c’est donc de croire et de soutenir les victimes qui parlent. C’est indispensable tout d’abord pour ne pas ajouter de la violence à la violence déjà subie. C’est indispensable aussi pour exprimer auprès des victimes potentielles qui n’auraient pas encore osé parler que leur prise de parole sera écoutée et entendue. Comment peut-on d’un côté exhorter les victimes de violences sexuelles à prendre la parole, et d’un autre côté minimiser ou dénigrer quand l’agresseur pointé du doigt est un ami ou un camarade politique ? Trop souvent, les appels à respecter la présomption d’innocence sont des manières de maintenir les agresseurs en place.

4) Enfin, les exhortations à « faire confiance à la justice » ou à « attendre que la justice fasse son travail » sont nombreuses également, et vont dans le même sens que le communiqué de la CEC qui suspend Amar « le temps qu’une décision de justice soit rendue ». Pourtant, en tant que syndicalistes CGT, il y a de nombreuses occasions où nous ne faisons absolument pas confiance à la justice de ce pays. Accordons-nous notre confiance à cette « justice » qui poursuit et criminalise les syndicalistes qui utilisent tous les moyens à leur disposition pour se faire entendre lors d’une grève ? Accordons-nous notre confiance à cette « justice » qui permet aux patrons de licencier avec un plafond d’indemnités ridicule ? On le sait, on en est des témoins privilégiés quand on est syndicalistes : la justice n’est pas neutre. Alors pourquoi accorder notre confiance à cette « justice » qui classe sans suite 70% des plaintes pour viol ?
Rappelons que 10% des victimes de viol portent plainte, et que 1 viol sur 100 est condamné par la « justice » de ce pays. S’il est clair qu’il faut accompagner les victimes qui le souhaitent, qui en ressentent le besoin, à porter plainte, nous ne pouvons pas croire aveuglément la « justice » dans ces cas.

Alors oui, cela signifie qu’un énorme chantier s’ouvre à nous : comment gérer ces affaires de manière féministe, sans s’en remettre à une justice en laquelle nous ne pouvons avoir confiance ?

L’existence de la Cellule de veille confédérale est un premier pas de la CGT en ce sens. Nous proposerons des pistes supplémentaires dans un article ultérieur. Charge aux syndicats, aux fédérations, aux unions locales, aux unions départementales, de pousser ces réflexions pour améliorer nos pratiques.

Ce chantier est indispensable pour protéger les femmes et les aider à prendre leur place dans le syndicat. Car, comme le rappelle l’analyse de la CGT : « La violence est au cœur de la domination des hommes sur les femmes ». Ce chantier est indispensable pour quiconque souhaite renforcer le syndicalisme de classe qui ne peut exister sans une syndicalisation massive des travailleuses.

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