mardi 6 décembre 2016
Retour sur le 19e congrès de l’Union des syndicats CGT de Paris
Les 8, 9 et 10 novembre 2016, le complexe sportif Nelson-Mandela a accueilli les travaux du 19e congrès de l’Union des syndicats CGT de Paris (UD CGT 75). Au total, 202 délégués étaient présents (22 619 voix, 80 syndicats, 20 fédérations et 18 unions locales). Avec un rapport d’activité approuvé par 97,8 % des mandats représentés et un document d’orientation voté à 99,2 %, la direction sortante apparaît renforcée dans ses positionnements qui ne sont pas restés inaperçus au fil de la dernière mandature. Que ce soit dans les batailles contre les mauvais coup du gouvernement Hollande dès son élection (loi de sécurisation de l’emploi, loi Rebsamen, extension du Grand Paris, loi Travail…), dans les crises connues au sein de la direction confédérale autour de la succession de Bernard Thibaud, puis dans la crise Le Paon et la préparation du 51e congrès, l’Union départementale est restée constante dans le type de syndicalisme de lutte qu’elle entend mener, malgré quelques limites.
Loi travail : l’abrogation toujours exigée mais sans stratégie de lutte
Que ce soit dans le rapport introductif, le rapport d’activité, le document d’orientation ou les prises de parole des délégués, l’abrogation de la loi Travail s’est vite imposée comme la revendication générale à faire vivre d’urgence, dans les entreprises comme dans les territoires. Et c’est heureux, la résignation ne semblant donc pas nous avoir encore totalement gagnés. Pour autant, les questions de stratégie n’ont pas vraiment été sérieusement abordées, et l’on peut regretter que la formulation de cette revendication légitime soit restée à l’état de vœu pieu, parole incantatoire (de celles qu’on dénonce pourtant si souvent). Certes, certains délégués ont regretté que l’intersyndicale ait abandonné les manifestations de rue après celle organisée le 15 septembre 2016, mais ils n’ont pas davantage creusé la question de la stratégie. Car les manifestations ne sont vraiment utiles que quand elles rassemblent largement, et la volonté de FO de se consacrer sur le terrain juridique et de cesser les mobilisations dans la rue annonçait déjà de futurs défilés clairsemés. La question de la grève n’a pas davantage été traitée, alors que c’est sans doute l’un des points faibles de ce mouvement social : la faiblesse des grèves, excepté dans quelques secteurs bien organisés (le rail, les raffineries, les ports et docks), rendant illusoire toute perspective de blocage de l’économie, pourtant seul à même de faire trembler et plier le gouvernement. En cela, l’appel du 51e congrès confédéral, s’il a eu le mérite d’ancrer l’idée d’un conflit dur et de poser la question de la grève reconductible au niveau confédéral, n’aura eu d’autres effets concrets que de « confier le mandat au nouveau secrétaire général de l’UD, présent au CCN des 15 et 16 novembre, de porter la ferme volonté d’une journée d’action interprofessionnelle rapide qui relance une vraie dynamique de mobilisation », comme l’énonce l’appel voté par le congrès.
L’importance des unions locales réaffirmée
Structure interprofessionnelle, l’union départementale ne pouvait pas ne pas aborder durant son congrès la question des unions locales CGT. Là encore, les délégués ont semblé unanimes dans leurs interventions quant à l’utilité des unions locales, réaffirmant leur importance dans l’organisation CGT. Si elles ont toujours, aujourd’hui, la possibilité de syndiquer directement des travailleurs (ce qui est, hélas, nécessaire), il a été rappelé que ce n’était pas là leur raison d’être, laquelle était plutôt à chercher du côté de la formation syndicale, du conseil juridique, de la culture syndicale et, bien sûr, surtout, de l’organisation des solidarités interprofessionnelles autour des luttes ancrées dans leur « juridiction ». À cet égard, beaucoup de délégués ont déploré, à juste titre, que, si certaines affichent une activité débordante, d’autres végètent depuis longtemps. Les difficultés rencontrées aujourd’hui viendraient surtout du délitement progressif du lien entre les unions locales et les syndicats de leur territoire, et ce d’autant plus que le système Cogetise contrarie les possibilités, pour les unions locales, de bien connaître l’état de la présence CGT dans les arrondissements. Il a été demandé à ce que la nouvelle commission exécutive de l’union départementale de Paris réfléchisse au développement d’outils permettant de redynamiser les unions locales dans le besoin et de favoriser et consolider les liens avec les syndicats et les militants.
La police en quête de légitimité
Lors de ces trois jours de congrès, les problèmes au sein du syndicalisme CGT de la police sont régulièrement revenus sur la table. Le Syndicat CGT-Police Paris et le Syndicat CGT de la préfecture de police de Paris avaient chacun envoyé un délégué. Pour eux, l’enjeu était de taille, surtout pour le premier, récemment exclu et dénoncé par la Fédération CGT-Police, laquelle est actuellement gangrénée par des idées et des positions proches de celles de l’extrême droite. Autrement dit, nous avions au congrès l’aile progressiste de la CGT-Police, venue chercher une légitimation au niveau départemental de son existence et de ses prises de position (contre les manifestations spontanées, contre une réforme de la légitime défense, contre le mégafichier de Cazeneuve, etc.). Et, de fait, le congrès a confirmé le soutien apporté de longue date à cette structure : le secrétaire général du Syndicat CGT-Police Paris a été réélu au bureau de l’UD CGT 75 et une déclaration condamnant la Fédération CGT-Police a été votée et adressée au Comité confédéral national. En l’état, ils ne pouvaient sans doute pas rêver meilleure situation. Reste que tout cela laisse un goût amer : certes, nous avions affaire à l’aile gauche de la police, mais une matraque de gauche ne fait pas moins mal qu’une matraque de droite quand elle s’abat sur le manifestant dans la rue. La remarque peut paraître un peu triviale, et, pourtant, le problème est bien là : le rôle de la police n’a jamais été vraiment questionné par le congrès. La réflexion à ce sujet s’est contentée d’évoquer l’idée d’une police conçue comme un service public au service du peuple, sans jamais questionner le caractère structurel de sa violence et de ses missions au service des pouvoirs politiques et économiques, qui la place de fait en dehors du processus d’émancipation, sinon résolument contre lui. L’absence cruelle de cette réflexion, c’est à nous, délégués se revendiquant du communisme libertaire ou de l’anarcho-syndicalisme, qu’elle est imputable ; nous qui nous sommes contentés de voter contre la déclaration et de tenter une timide prise de parole pour remettre dans le débat les souvenirs des violences policières qui ont accompagné le mouvement social contre la loi Travail.
Radiation du syndicat de la propreté
Une nouvelle fois ont été portés à l’attention du congrès les agissements de la Fédération Ports et Docks en vue, plus particulièrement, de voir confirmer la décision de suspension prise à l’encontre du Syndicat de la propreté et des services associés de la région parisienne par le comité général de février 2016 en vue du procéder à sa radiation. Cette proposition était accompagnée d’un rapport circonstancié de 24 pages rappelant la persistance, au sein de ce syndicat, de pratiques inacceptables et, notamment, pour la dernière période au sein de différents conflits chez TFN et de nombreux hôtels parisiens.
Pour autant, si les pratiques courantes de briseurs de grève et de collusion avec le patronat de cette branche par ce syndicat régional sont connues de longue date et dénoncées par ce rapport, pas un mot n’y est dit sur les accords passés par cette fédération en vue d’interdire aux salarié-e-s de la sous-traitance d’être présentés, voire simplement représentés au sein des IRP des donneurs d’ordres comme le Code du travail en dispose encore… Déjà, en février 2010, le TGI de Paris annulait un avenant à la convention collective signé en décembre 2008 par la fédération CGT, mais aussi FO, interdisant aux salariés de la propreté d’exercer leur droit et, en particulier, leur permettant d’être électeurs ou éligibles au sein de l’entreprise utilisatrice. Au printemps 2016, six ans après, les délégués CGT menaçaient de grève l’hôtel Pullman Paris Tour Eiffel si les salariés de la sous-traitance étaient directement consultés par l’hôtel et non par le sous-traitant pour exercer leur choix d’option de vote (affaire en cours au tribunal d’instance du 15e arrondissement de Paris).
Nous ne pouvons que saluer ici les longues batailles menées depuis 1987 par le syndicat CGT-HPE, et souvent aux côtés de nos camarades de la CNT-SO du secteur, pour la réinternalisation des travaux sous-traités. Mais de cela, les congressistes n’en auront que peu entendu parler…
Changement à la tête de l’UD
Au secrétariat général de l’Union des syndicats CGT de Paris, Benoît Martin succède à Patrick Picard. Le camarade est issu du Syndicat CGT-Télécoms Paris, où il a eu plusieurs responsabilités : secrétaire général du syndicat, membre de la direction de la Fapt et secrétaire régional. Au niveau de l’UD CGT 75, il a été membre du bureau et du secrétariat jusqu’à cette fin d’année 2016, où il prend donc le secrétariat général. S’il n’y a aucun doute à avoir quant à la quantité et la qualité de travail qu’il peut abattre pour la CGT à Paris, ce n’est pas un cadeau que lui font ses camarades du Pardem, qui publient sa biographie et annoncent sur leur site Internet son appartenance au conseil national de ce nouveau parti (gauche républicaine souverainiste).